• Une femme ordinaire...

     

    (Écriture personnelle)Composé à l'aide de souvenirs entremêlés, parfois vécus et romancés pour les besoins du texte.

    Sans prétention, simplement pour le plaisir de transmettre quelques réalités de la vie au siècle passé en Valais (Texte protégé par un copyright)

    Une femme ordinaire...

     La courageuse Julie

    ou

    une femme ordinaire

     

     

    Julie la rieuse, la bavarde s'ennuie !

    Elle a une méthode presque infaillible pour y remédier. Elle hèle les passants du quartier; le postier, l'avocat, la boulangère tout le monde y passe. Julie les connaît depuis leur première culotte.

    Parfois lorsque le soleil et le petit vin rouge ont dépassé un certain degré, Julie chante des airs d'autrefois: "Ah le petit vin blanc" ou "Sous les ponts de Paris" et termine souvent par sa préférée, " La chanson du légionnaire.
    - Il était grand, il était beau, il sentait le sable chaud mon légionnairrrre!

    Je la revois accoudée à une table à la terrasse d'un bistro, devant elle un thé béni * ! Quand elle m'aperçoit, elle sent le besoin de se justifier et les arguments ne manquent pas.
    - Je ne bois pas du vin pour la soif mais parce que ça me réchauffe les os. Et pis, Môsieu le docteur y m'a dit qu'un petit verre tous les midis, c'est bon pour mon cœur !
    Quand Julie a bien chaud, elle en rajoute :
    - Si le Jésus a changé l'eau en vin, c'est pour le boire. Il ne voyait pas d'inconvénients lui! Et pis pour ma hanche après un petit verre, j'ai moins mal. Ça sert à quoi de la frictionner de l'extérieur alors que c'est de l'intérieur que j'ai mal, tu veux me dire...hein?


    Julie s'est fracturée une hanche en 1952, une pierre s'était dérobée sous son pied, alors qu'elle marchait sur le mur de sa vigne. A cette époque là, il n'était pas question d'opération. Julie se souvient des journées et des nuits allongées sur une planche comme seul traitement, immobile en attendant que sa hanche se cicatrise avec le temps. Elle ne se souvient pas combien de temps cela a duré mais les douleurs d'aujourd'hui lui rappellent celles du passé. Une marche qui n'en n'est plus une tellement son déhanchement s'est accentué avec l'âge. Elle l'exprime avec humour ce qui pourtant, ne doit pas être évident.
    - Depuis l'accident ça n'a plus été pareil. Même avec la canne,Clinc clan, et clin clan... non non ça n'a plus été pareil...

    Je me souviens de Julie portant dans sa hotte une gosse paresseuse de quatre ans, cling clang...cling clang, sur une route poussiéreuse et baignée de soleil. A l'époque la marche n'était pas un sport sous l'appellation; de trekking ! C'était le moyen le plus courant pour le peuple de ce rendre d'un lieu à un autre. Les jambes de Julie en n'ont parcouru des chemins escarpés, des allées de vignes et des routes boueuses. Julie, comme la majorité des villageois, ne se déplaçait pas sur les grands axes recouverts d'asphalte. (Ce qui d'ailleurs étaient rares)

    Elle empruntait les raccourcis à travers la campagne sur des sentiers tortueux et exposés. Pour aider ses parents, elle allait offrir ses services de fermes en fermes. Tantôt bergère, tantôt ménagère, tantôt jardinière, tantôt ouvrières dans les vignes.

    Julie aime parler de sa jeunesse, elle m'a confié une anecdote. Julie était une conteuse merveilleuse, je l'écoutais raconter suspendue a ses lèvres.Elle disait n'avoir jamais été maltraitée, elle a eut vraiment très peur une seule fois dans sa vie. Cela lui est arrivé en 18 ! (1918)

    - Arrivée près de la rive du Rhône, je vois des gendarmes postés sur le pont, ils contrôlaient les gens et les chars tout y passaient. Tu te rends compte même les mulets étaient inspectés ! Je n'avais pas le choix, le pont était le seul passage à des kilomètres à la ronde. Je n'avais rien à me reprocher alors après un moment d'hésitation, je me suis avancée vers eux. Un gendarme demanda mes papiers d'identité. Malgré ma peur j'ai répondu:
    - Des papiers, pour quoi faire ? L'autre prit à son tour la parole et me dit:
    - Veuillez décliner votre identité s'il vous plait, mademoiselle.
    - Décliner...que voulez-vous que je décline? Je suis "bonne à tout faire". Alors là cet imbécile s'est énervé et il m'annonce que je n'avais pas le droit de voyager sans papiers en temps de guerre. A mon tour j'élevait la voix:
    - Pardon Messieurs les gendarmes mais si vous croyez que j'ai le temps de voyager. Je vais "Aux champs secs"* pour les moissons.
    - Et toc ! Voilà ce que j'ai répondu. L'autre qui me regardait de haut, s'adressa à son collègue en lui disant
    - Laisse allez, c'est une femme ordinaire. Et il m'ordonna de circuler.
    - Tu sais ma fille, j'ai passé et repassé sur ce pont des dizaines de fois, jusqu'à la libération juste avec un bonjour et un sourire! Tu souris à ton tour ma belle? Tu vas sourire encore plus quand je t'aurais dit que les contrôles avaient pour but de préserver le pays contre l'envahisseur. Même que le passage de St-Maurice qui était miné a ce qui parait !


    Depuis cette histoire, beaucoup d'eau a coulé sous le pont du Rhône qui relie la capitale valaisanne au lieu dit " Les Champs secs " Les champs de blé et les prairies ont fait place notamment à des immeubles, à l'hôpital régional, à des entreprises. Ils sont traversés d'ouest en est, par l'autoroute de la vallée du Rhône (A9).
    Julie ne traverse plus le pont depuis longtemps, ni ne va en aucunes autres directions. Allongée sur un tapis de coquelicots au bord de la route, un sourire à jamais figé, elle n'avait aucune pièce d'identité lorsqu'on la trouvée. Les policiers on dit :
    - C'était une vieille femme ordinaire.

    MBB 2009

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    *thé additionné de vin rouge.

    * lieu dit

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